Proposition malhonnête : Chapitre III- Partie 2

Identifiant : Rotkäppchen* Mot de passe : Märchen**

Au plaisir de vous revoir très prochainement et  très étroitement

Votre Antoine M. Von W. »

*Petit chaperon rouge

** Contes de fées

L’avantage qu’avaient les messages d’Antoine était qu’ils étaient clairs, explicites, râpeux presque commerciaux mais déroutants. Ils savaient me surprendre et même m’agacer. Notre relation n’allait être ni sentimentale ni larmoyante.

Je cliquais sans attendre sur son blog professionnel, entrai l’ensemble des données et commençai mon voyage dans les univers obscurs de mon futur amant.

Tout d’abord, je ne vis que des albums photos de réception racées, de mariages en grande pompe, de buffets grandioses, d’animaux exotiques, de tenues extravagantes et coûteuses.

Des femmes sublimes hantaient ces soirées, posant avec bonheur et grâce devant de luxueuses propriétés. Des hommes aux sourires charmeurs souriant aux photographes, une flûte de champagne à la main, le pied conquérant posé sur des berlines de grand prix ou assis sur le capot de voitures de collection

. Des instantanés assez convenus de vies de riches ou de parvenus aimant s’exhiber, des souvenirs de fêtes fastueuses et apparemment réussies car aucun des participants ne semblait s’ennuyer. Pas de trace de gargotes douteuses ou de détails négligés. Tout était réglé, d’équerre. Rien  ne dépassait, une rigueur quasi maniaque en émanait ; ici pas de place à l’imprévu, au fantasque. Tout était sous contrôle à l’image de ce que j’avais pu percevoir dans les messages presque agressifs de mon amoureux encore platonique.

Une vie de plaisirs raffinés et de belles personnes était exhibée sous mes yeux envieux. Jamais je ne pourrais vivre pareils moments, m’enivrer de vin goûteux, m’offrir les services de pareille entreprise.

J’avais beau fouiller dans tous les recoins du site, je ne trouvai pas de photos d’Antoine, rien de personnel hormis des formulaires de contact, des informations impersonnelles et des propositions de devis. Pas d’espace personnel non plus.

Des rubriques aux titres recherchés proposaient des soirées à thèmes dans des châteaux français, des villes exotiques ou propriétés privées. Rien ne semblait impossible à celui qui avait les moyens. Antoine le discret savait contenter sa clientèle en restant invisible.

C’est alors que je vis une icône Chaperon rouge pour les fameuses soirées contes. Je cliquai dessus et on me redemanda mes identifiants et mot de passe.

Je découvrais alors mon visage souriant surexposé sur une foule de danseurs déguisés. Photo trafiquée qui me mit profondément mal à l’aise ! Antoine avait non seulement piraté mon ordinateur mais il avait aussi volé mon image.

La photo suivante le montrait en gros plan souriant franchement face à l’objectif avec une petite légende souhaitant la bienvenue à Clara.

Petit artifice bien connu des commerciaux pour personnaliser les visites mais ce petit signe amical me prit au dépourvu et je rougissais devant mon écran.

Le cliché suivant montrait un beau lacet rouge, non, plutôt un ruban de soie habotai rouge avec le commentaire suivant.

« Clara, vous feriez de moi le plus heureux des hommes si vous acceptiez de porter ce ruban la prochaine fois que nous verrons. J’ai toujours affectionné cet accessoire si féminin et excitant.

Evocation symbolique et morbide de la marque du couperet porté par les aristocrates à la fin de la Révolution française. Ce simple ruban associé à un soupçon de civette suffit à rendre désirable toute parcelle de chair.

Sur vous, Clara, dans le plus simple appareil, il sera à n’en pas douter du meilleur effet… »

 Je rougissais de nouveau me voyant nue, offerte à cet homme inconnu simplement revêtue de ce collier élégamment noué autour du cou. Mais l’idée ne me déplaisait pas. Bien au contraire, elle éveillait en moi une envie inconvenante de m’exposer, écartelée sous son regard approbateur. Un ruban de soie porté comme un collier d’esclave attendant une miette d’affection de son maître. Ainsi donc après l’évocation de mon écharpe, Antoine me voulait soumise habillée d’un seul ruban de soie.

Dominateur, joueur et fétichiste, voilà donc les parts d’ombre de cet homme compliqué.

La page suivante me demandait de me présenter demain à 20 h 00 précises à la fontaine des Girondins où un SMS me signifierait la marche à suivre pour le reste de la soirée. Je ne m’étonnai guère de la façon dont il avait trouvé mon numéro de téléphone. Tout m’échappait désormais en toute connaissance de cause.

Le lendemain passa comme un songe. Je ne fis pas grand-chose hormis m’apprêter comme une femme futile, attentive à être désirable, attendant le soir.

Je musardai sur Internet à la recherche de renseignements sur Antoine, à traquer la moindre information sur son passé ou ses activités. C’était un homme discret, habitué au mystère. Peu de photos de lui sur les moteurs de recherche et encore moins de commérages. Une image de marque immaculée propre et inviolée. Il veillait de toute évidence à ne pas attiser la curiosité et jouait à l’éminence grise.

Je partais rapidement à la bibliothèque municipale consulter le Who’s who en accès libre.

J’y trouvai une succincte biographie de la famille von Wolfensteirn qui s’était enrichie au fil des générations dans le commerce d’art religieux.

Comments

[Krikri73]

Ces épisodes se dévorent comme du petit lait ;-) On passe vite à la suite ... Bravo !

[Erik Torrent]

Tout comme le chaperon rouge, nous passons cette partie à attendre impatiemment... la suite :)