Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Faunes & Flore
Derniers commentaires
Newsletter
Faunes & Flore
7 février 2013

L'ossuaire de Sedlec: Chapitre 13: partie 1

Et après que la convoitise a conçu, elle enfante le péché;

 et le péché étant consommé, engendre la mort  »

 (Jacques 1:15).

 

Bringuebalée et recroquevillée dans le fond de  mon caveau glacial, je tentais de lutter avec pugnacité contre le froid prégnant et un dégoût dévastateur. Du fiel âcre me montait régulièrement à la bouche et je me concentrais sur ma nausée pour ne pas défaillir davantage.

 

En bon petit chaperon courageux, je ne voulais pas laisser triompher  Antoine et je devais subir son emportement sans marque de doléance ni faiblesse.

 

Je grelottais, affamée, ensevelie sous les couvertures et mes muscles étaient tétanisés, engourdis, incapables désormais de me porter. J’avais perdu le fil du temps, plongée dans le secret de cet espace aseptisé.

 

Le camion roulait désormais à pleine vitesse sur de méchantes routes. Les cahots et nombreux nids -de- poule balançaient les lourdes charognes éviscérées les entraînant dans une danse macabre et grotesque. J’étais fascinée par ce spectacle burlesque et je me jurais de devenir végétarienne si je sortais saine et sauve de cette semi-remorque.

Un peu bêtement, un peu futilement j’aspirais à goûter à des plaisirs volatiles, ces petits bonheurs égoïstes amassés comme autant de pépites scintillantes au cours d’une journée estivale et insouciante.

Un café en terrasse, une nouvelle robe légère, un compliment venu de nulle part, le regard un peu insistant et trouble d’un inconnu croisé dans la rue, les gloussements des amies, le soleil de midi , les bourgeons odorants de fleurs de cerisier, l’odeur des pins maritimes, le cataplasme de sable de la plage sur les chevilles et le sentiment urgent d’exister, de ne rien laisser filer….

 

L’allure ralentit et je sentais le camion bifurquer avant de s’immobiliser dans un hoquet funeste.

Allait débuter ma séance de supplice et ma punition. J’avais sciemment désobéi à l’injonction d’Antoine de me grimer en tapineuse tant j’étais réfrigérée. Cette infraction serait à coup sûr punie sévèrement et je savais qu’il ne pouvait pas en être autrement.

 

Des portières claquèrent et des voix inintelligibles se dirigèrent vers la porte de ma prison. Un claquement sec et un rai de lumière éblouissant.

Aveuglée par la lumière crue de la journée, je ne pus deviner l’identité de mon futur harceleur et je me contentais de le voir s’approcher, heurtant indifféremment les carcasses qui valsaient mollement.

 

Ne pouvant davantage supporter le froid mortel et l’effroi, je sombrais dans l’inconscience, marionnette harassée et disloquée retenue de justesse par de puissants bras masculins.

Perte de connaissance rédemptrice qui allait calmer le jeu qui s’emballait à présent, imposé par un Antoine mordant et acrimonieux.

Je me sentais portée à bout de bras, passant de main en main, fragile et désarticulée.

 

Une banquette en cuir sous les reins, le pauvre pull d’Antoine arraché en toute hâte, ma peau dénudée et des mains fébriles me frictionnant, une odeur forte d’alcool pur furent les impressions fugaces que je percevais entre de longs moments d’obscurité vorace et épouvantable dans lesquels je me lovai voluptueusement.

 

 

Je reprenais conscience péniblement, n’arrivant même pas à soulever mes paupières scellées par l’épuisement. Je perçus le bourdonnement d’une discussion animée se tenant tout près de moi. Je me concentrai pour reconnaître les inflexions des deux hommes que j’aimais désormais le plus au monde.

Ils se chamaillaient à mi-voix, s’invectivant et je n’eus pas de mal à comprendre que j’étais au centre de leur conversation irritée.

Antoine semblait être assis à mes cotés et Alexander, debout, ne cessait de bouger et de gesticuler, en proie à un mécontentement croissant.

 

-Comment as-tu prendre autant de risques ?

 Regarde-la!

 Si blanche et presque aussi morte que tes carcasses. Si tu veux la tuer, la flétrir, tu es sur le bon chemin. Elle est si jolie, impétueuse et ardente que tu devrais la chérir et non l’abîmer comme tu te plais à le faire depuis que tu la connais. Elle t’a suivi jusqu’à présent sans coup férir, en bonne soumise, valeureuse et belle à mourir.

Je ne te comprends plus, Antoine. Tu l’as enfin trouvé et tu peux en faire ta compagne officielle, la marquer lors de la cérémonie de ce soir. Elle acceptera tout de toi. Clara est une femme de parole, probe et passionnée.

Au lieu de cela, tu la violentes, tu l’effraies et mets sa vie en danger.

Et pire tu n’acceptes même pas de t’en détacher, pour la préserver…

 

-Ca suffit ! Tu me fatigues avec tes propos bien pensants. Tu as possédé toi-même cette fille et de façon fort peu élégante. Tu peux me juger, me mépriser mais tu as, toi aussi, abusé d’elle et tu t’en es très peu défendu. Alors épargne-moi tes discours moralisateurs.

 

Et non, tu n’auras pas mon aval pour qu’elle te revienne. Contente-toi des traînées habituelles et laisse-moi Clara.

Quitte la pièce maintenant, Alexander. Va préparer les locaux. Je m’occupe d’elle.

Elle sera vite sur pied. Hypothermie et jeûne prolongé, rien de grave. Pars… »

 

Le silence retomba dans ce que je supposais être une chambre.

 

-Antoine…» gémis-je alors en ouvrant les yeux

 

Beau et redoutable comme un ange déchu, Antoine se pencha vers moi en souriant piètrement. Il prit mon visage entre ses longs doigts et m’embrassa douloureusement.

 

-Pardonne-moi, Clara. Je n’arrive pas à t’aimer comme tu le mérites. Je t’ai encore abandonnée et tu as encore su vaincre mes démons en supportant si vaillamment mes nouvelles folies. »

 

su

 

Exalté et fiévreux, il m’agrippait comme un miséreux, me griffant le dos et une fois de plus, je m’abandonnai dans sa douce chaleur, mes sens charmés par sa douce odeur lupine. Je lui rendais généreusement son étreinte, attendant patiemment et anxiété le prochain accès de démence.

 

-Ce soir a lieu la cérémonie de la Compagnie des loups. J’ai voulu t’y convier car chaque membre doit  présenter officiellement à la communauté toute personne d’importance croisée ou retenue par ses soins entre les deux dernières réunions.

 

Je sais que je ne te laisse pas le choix et que la seule mention de notre existence te condamne plus ou moins à appartenir à la confrérie.  Je t’ai laissé en dehors de notre société secrète mais je souhaite depuis le début que tu en fasses partie.

 

Seule ta naïveté et ta fraîcheur d’âme t’excluent d’office de nos activités. Je t’ai déjà marquée officieusement dans la chapelle de la Brède et si acceptes ce soir notre marché, tu devras être brûlée devant tous les participants. Et ce au fer rouge avec un poinçon bien particulier. Tu devras y endurer la douleur et ne rien montrer de ta souffrance.

 

skullbones

 

A l’origine, notre compagnie n’acceptait que les hommes d’extraction noble, ayant fait de belles études et aisés. Des personnes très haut placées, souvent œuvrant dans les arcanes du pouvoir mondial.

 

 Depuis, ont été retenues quelques candidatures féminines, de superbes créatures aux mœurs ténébreuses et très dominatrices. Rien à voir avec les Francs-maçons ou les Rose-croix, rien de philanthropique. Une sorte de corporation réunissant tous les loups et louves alpha, solitaires, sanguinaires,  cherchant discrètement de nouvelles proies pour étancher leur soif de violence et de jouissance.

 

De ces rencontres très secrètes m’est venue l’idée de mêler initiés et profanes au cours de soirées élégantes, très érotiques voire davantage, très onéreuses et pour happy few. Le succès fut immédiat et je peux me targuer d’être l’initiateur des soirées les plus originales d’Europe.

 

 J’ai besoin dorénavant d’une présence féminine à mes côtés, déviante et cultivée, d’un avis constamment critique sur mes activités.

 

Si tu remplis bon nombre de ces critères, il te manque encore le côté blasé et corrompu des femmes aristocratiques de longue date. Cette suffisance gracieuse et insupportable qu’ont les femmes du monde qui n’ont jamais manqué de rien, cette indolence narcissique et dédaigneuse qu’elles arborent naturellement.

Il te faudra du temps pour trouver tes marques parmi ces gens là.

 

La corruption sexuelle, elle, est ancrée en toi, encore un peu cachée mais elle ne demande qu’à se manifester et ce très souvent.

Je dois maintenant aller me préparer, Clara, pour la cérémonie.

Acceptes-tu de m’accompagner et de subir le fer rouge ?» termina-t-il, à bout de souffle, nerveux et déstabilisé.

 

Echevelée et transie sous ma couverture de laine, je restais interdite, intimidée par l’offre inattendue d’Antoine qui me demandait de devenir sa favorite pour une période illimitée. Certes à sa manière alambiquée et tourmentée mais je devenais à cet instant précis précieuse et rare, unique et digne d’intérêt.

 

 J’avais déjà accepté de le suivre dans ces égarements particuliers mais par une simple affirmation, un simple son juste articulé à mi-voix dans ce lieu anonyme, j’acceptais aussi son monde noir, sa volonté de m’anéantir et son désir irrépressible de m’asservir. Je perdais ma liberté et la stupide espérance de vouloir exister par moi-même mais je gagnais aussi le droit de vivre, de respirer avec et pour lui.

 

Prise au piège par sa demande, je baissai humblement les yeux, perdue et désemparée et me laissai glisser entièrement dénudée au sol, à ses pieds, pour me prosterner devant lui. Il ne me retint pas, étouffant même un petit rire de triomphe.

Sans réfléchir davantage, j’embrassai ses chaussures, le bas de son pantalon, empoignant ses mollets avec déférence et vénération.

 

Je risquai un regard vers Antoine et vit que ma réaction le ravissait. J’avais tant besoin de lui plaire, tant envie qu’il tremble de désir et qu’il m’aime même à sa façon que plus rien ne pouvait me faire plus plaisir que de me rabaisser.

 

sub

 

Antoine prit une profonde inspiration, et s’accroupit pour se mettre à ma hauteur. D’un doigt, il me releva le menton, me forçant à plonger mon regard dans le sien, un regard profondément indécent et provocateur qui m’affola et me rendit moite. Son autre main s’engouffrait entre mes jambes et déjà je soupirai de concupiscence, ouverte et impatiente.

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
K
Terrible aveu de soumission, qui va au delà de ce que l'on appelle l'amour ... Est-ce que cela existe vraiment ? Sans doute. Cela associe le paradoxe d'être cruel et beau à la fois ...
Répondre
Faunes & Flore
Publicité
Archives
Pages
Visiteurs
Depuis la création 14 731
Publicité