Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Faunes & Flore
Derniers commentaires
Newsletter
Faunes & Flore
27 juin 2015

Maude corbeau: La punition dangereuse IV (première partie)

Maude ferme les yeux. Rien ne sert vraiment de chercher à mémoriser la trajectoire endiablée de la berline noire qui est venue la chercher au bas de son immeuble. Une voiture luxueuse et silencieuse, un chauffeur aussi beau qu'indéchiffrable, une mise en scène caricaturale digne des séries télévisées où l'héroïne frémissante est enlevée par un mystérieux commanditaire.

Elle regarde les rues défiler, les feux se succéder, les couples se frôler, les passants se quitter, tout le spectacle urbain des débuts de soirées. Les vitrines s'éteignent, les restaurants allument leurs fanaux aguicheurs. Elle scrute cette vie en spectatrice, les genoux serrés, l'assiette de gâteaux sagement posée sur ses cuisses.

Le chauffeur ne souffle pas un mot, concentré sur la route. Seules les mélopées orientales d'un groupe anglais envahissent l'habitacle, la berçant de leurs sons hypnotiques, la caressant avec insistance. Maude s'abandonne à la quiétude du moment, les sens en éveil, sachant que Monsieur Laclos ne l'épargnera pas très longtemps.

Elle doit lui faire davantage confiance, perdre sa défiance naturelle pour se remettre à lui en toute confiance, lui permettre de l'enchaîner, lui donner carte blanche. Elle est devenue sienne naturellement, ne conteste plus, ne se débat plus contre les chimères qui l'assaillent sans cesse. Elle se laisse glisser dans son onde obscure, Ophélie flamboyante et masochiste. Il aime la bousculer, la gêner, la confronter à ses terreurs intimes, la livrer à ses démons particuliers, ses tortionnaires les plus pervers.

Ses yeux se mouillent souvent, son corps se hérisse, son esprit se rebiffe. Elle nie son excitation mais son corps la trahit.

La voiture a quitté la ville, s'engage dans une contrée aussi maléfique qu'envoûtante.

 

"Monsieur Laclos tient à ce que vous vous changiez. Vous passerez récupérer vos effets dans le vestibule !" annonce subitement le chauffeur qui la fixe dans le rétroviseur, attendant son assentiment.

Maude hoche la tête, rougissant idiotement sous le feu de son regard. Aucun moyen de cacher son émoi.

Elle respire juste profondément attendant que le pourpre incandescent reflue de ses joues.

 

Il lui ouvre la porte, la laisse fouler le gravier de l'allée seigneuriale avant de lui indiquer les quelques marches qui la conduisent à la demeure. Pas le temps cependant de flâner pour lorgner les alentours; le but de la soirée n'est pas culturel. La visite ne se fera pas dans l'immédiat.

Maude pénètre dans le hall où trône un escalier classique majestueux. Une lourde table chargée de vêtements empaquetés attend chaque visiteur. Maude estime les tas  à une dizaine . Sur chacun d'eux, un petit bristol avec un prénom féminin. Elle repère vite le sien entièrement noir, emperlé et emplumé. Elle le défait bien vite et déploie une robe légère, transparente toute rebrodée de cristaux noirs et lumineux.

 

tumblr_nqfcfzXDNh1rrqsx6o1_1280

 

Une coiffe de plumes lustrées accompagne le tout ainsi que des escarpins vernis.

Fascinée par la finesse de la dentelle, Maude se pare avec lenteur, seule dans ce vestibule grandement éclairé. Personne pour l'épier ni pour l'aider. Pas un souffle ne traduit la présence d'un être vivant, pas un craquement ne contrarie la torpeur de la nuit.

La jeune femme quitte le monde usuel pour se couler dans un univers interdit, frangé de symboles, de secrets et de clous. Elle est devenue un oiseau de jais, une créature des ténèbres interdite et fascinante, gardienne des ruines et des sépultures, honnie des mortels et adulée par une poignée de fanatiques.

Maude le corbeau lisse ses plumes et s'engage dans une enfilade de salles meublées dans un style français classique de la plus pure facture, joliment éclairées par des luminaires discrets.

"Une bien belle mise en appétit " songe -t-elle, portant toujours vaillamment ses biscuits devenus aussi incongrus qu'inutiles. Mais c'est la demande expresse de son mentor. Elle doit donc obéir.

Tout est élégant, parfaitement agencé d'où sourd une puissance virile omniprésente. Une main masculine a choisi chacun de ses objets, les a soupesé. L'acheteur a su immédiatement où les placer avec célérité et assurance. Chaque pièce est décorée avec un soin et un goût extrême. Maude se prend à laisser divaguer son esprit, à imaginer des escapades licencieuses au creux des sofas, à des corps alanguis sur ses soieries brillantes, aux soupirs étouffés et aux gémissements indiscrets. Tout concourt à l'abandon et à la volupté.

"Je vais bien finir par rencontrer âme qui vive " pense t-elle en poussant des portes qui ne s'ouvrent que sur sur d'autres salons aussi accueillant que vides.

Des accords feutrés de violons se font entendre à sa gauche. Maude colle son oreille sur les boiseries cérusées à rocaille, laisse ses doigts jouer sur les décors sculptés. De l'air qui filtre , un jour qui coupe le bois de haut en bas. Une porte secrète que Maude cherche à ouvrir frénétiquement, une ouverture discrète réservée aux initiés.

Un déclic se fait entendre, tonitruant dans ce silence suspendu. La jeune femme glisse ses doigts dans l'interstice, tire l'huis vers elle et s'engouffre dans la trouée béante.

Devant elle s'étale une prairie fleurie où pique - niquent des messieurs en costumes identiques. Tous portent un masque d'animal, essentiellement des prédateurs. Des femmes peu vêtues les servent , veillent à leur confort, un peu en retrait, à genoux. Au fond se trouve une longue table enjuponnée d'une nappe blanche couverte de mets en pagaille.

Des arbres tout autour où sont suspendues de magnifiques et longilignes femmes. Des proies idéales offertes et encordées se tenant sur la pointe des pieds, cambrées artistiquement, les visages crispés par la douleur lancinante des crampes,  la longue station debout. Pas une ne bouge, n'ose émettre un son. Toutes baissent le regard, attendant leur sort avec humilité. Un orchestre joue  une musique enjouée à leurs pied indifférent à leur sort.

Au milieu ripaillent des hommes. Un cerf, un renard et un oiseau trinquent avec la réplique exacte du chapelier fou.

"Voila Maude, ma belle et jeune Maude. Elle a pensé à nos gâteaux, la délicieuse enfant. Dis Maude réponds à ma question. Dis-moi pourquoi un corbeau ressemble à un bureau ? " interroge un Monsieur Laclos avec un large sourire.

 

tumblr_lxhk5qiwXN1r9e48to1_1280

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
F
Pour l'instant, c'est la page blanche....Mais le corbeau tout le phénix renaît de ses cendres....Merci à vous Sieur Tartifleur !!!
Répondre
T
ou peut être que si on l'emmerde encore, la vraie punition est qu'il n'y aura pas de suite...
Répondre
K
joli suspense....elle en a de la chance Maude
Répondre
Faunes & Flore
Publicité
Archives
Pages
Visiteurs
Depuis la création 14 731
Publicité