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Faunes & Flore
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Faunes & Flore
21 septembre 2014

Le goût : Léa & le loup (première partie)

Léa est experte en gourmandise.

Elle ne conçoit pas son existence sans se délecter à longueur de journée. Chaque instant est ponctué de délices, d'entorses grossières aux régles édictés par une société hygiéniste, anorexique, qui vomit les plaisirs immédiats et la satisfaction de ses concitoyens.

Léa aime écouter les critiuqes gastronomiques, feuilleter les magazines de cuisine, se pâme les pommettes rosies par la convoitise devant les belles photographies de recettes compliquées où les tartelettes brillent plus que de raison, où les écailles des poissons miroitent avec coquetterie, les viandes se parent de roses aguicheurs, saupoudrées élégamment de grains de sel taquins.

Elle vogue de petits cafés amers à la noisette , de viennoiseries capiteuses aux lourdes odeurs de beurre au pot-au-feu de son enfance où le céleri embaumait toutes les pièces de la maison, au boeuf bourguignon qui caramélise doucement et chemise les pommes de terre de sa sauce au vin, aux frites croustillantes froufroutant autour de pièces bouchères viriles.

Viennent ensuite les heures de l'après-midi qui suivent la torpeur du déjeuner, où l'envie doucement renaît, les heures féminines des mignardises maquillées outrancièrement, des pâtisseries  sophistiquées. Les heures des meringues fouettées, des tartes au citron liquoreuses, des macarons onctueux, des moelleux au chocolat noyés sous une crème à la vanille accompagnées de hautes tasses de chocolat viennois ou de thé précieux.

 

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Léa ferme les yeux déglutit et salive en y pensant.

" La gourmandise te perdra ma fille" ont scandé à l'envi les femmes de sa famille, nounous, mère, tantes et cousines, inquiètes et jalouses de la voir engloutir tant de nourriture sans se soucier de l'avenir sombre et vengeur.

Elle plonge sa menotte dans tous ces paquets de cellophane qui bruisse bruyamment qui renferment tant de trésors sucrés: dragées dodues, spirales lustrées de réglisse, figures enfantines collantes de gélatine colorées et acidulées, ours en guimauve, caramels durs qui fondent en bouche, gommes arabiques doucâtres, sucettes poisseuses...

Quand la nuit s'annonce, Léa se perd dans les apéritifs mondains, les buffets dînatoires, les repas amoureux et délicats éclairés aux chandelles. Les assiettes défilent, les hommes aussi. Elle se souvient de chaque menu dégusté, moins des prénoms de ceux qui les ont accompagnés.

La folle cavalcade des plaisirs de bouche s'achève au-dessus de son lavabo, quand la brosse à dent sonne le glas de son avidité..

Ses rêves sont emplis de plats savoureux, de saveurs inédites, de pays exotiques encore à conquérir, de rencontres avec les plus grands cuisiniers, d'escapades dans les plus  beaux restaurants du monde.

Son corps n'est pas aussi mince que désiré ni  aussi musclé; modelé par ses pauses gourmandes, par ses envies du midi devant une carte affichée dans la rue. Elle a appris à se satisfaire de son ventre trop proéminent, sa chair qui pèse, ses cuisses un peu trop épaisses, avec son cou pas aussi gracile qu'il le faudrait. Elle s'est habitué aux regards réprobateurs de celles qui se privent, qui ne vivent pas complètement, celles qui voudraient l'obliger à souffrir.

Demain elle fera plus attention. Un peu qu'aujourd'hui. Ce n'est pas cette bouchée qui va l'alourdir davantage. De mensonges en oublis faciles, elle a grossi et ne trouve plus belle, engluée dans ses remords et sa taille qui épaissit.

Car Léa est aussi une grande amoureuse.

Les hommes l'aiment pour sa spontanéité, sa générosité naturelle, son amour de la vie, sa sensualité primitive. Puis ils se lassent de ses bourrelets, s'excusent à peine et s'éloignent lâchement pour s'afficher avec les femmes en vue, celles dont est fier, celles qui savent se maîtriser, sèches et ennuyeuses, celles qu'on épouse et engrosse.

 Léa s'est jetée à corps perdu dans les aventures ponctuelles, les rencontres furtives dans une obscurité rassurante, la gaze de l'ivresse oublieuse. Elle sait être séductrice, sait manier les mots, tente les hommes esseulés, en mal d'amour, délaissés, malheureux, empêtrés dans leurs paradoxes. Léa ne demande rien d'autres que des lèvres sur les siennes, des mains qui la caressent, des mots fiévreux, des promesses qui ne seront jamais honorées.

Elle se consume dans des ébats fiévreux qui la réconfortent et la plongent dans la perplexité. Elle court d'homme en homme, s'amourachant de chacun pour s'éprendre aussitôt du nouveau venu. Une danse de faux-semblants qui la satisfait occasionnellement et la dégoûte le jour venu. Mais elle oublie aussitôt ses déconvenues, la bouche pleine de pain d'épice, la cuillère dans le pot de confiture de cerises noires, forçant le nouveau venu à la prendre vite et fort une fois la nuit venue.

Elle se méprise de vouloir tant être traitée comme un substitut d'amour, une grosse poupée animée. Son corps ne vaut pas mieux. Elle ne mérite pas un homme normal; celui qui gare sa voiture dans la rue avant de rejoindre son foyer chaque soir et s'endort sans mot dire près de sa femme.

Léa ne veut pas se poser de questions. Elle veut juste jouir rapidement, sentir son corps sombrer, être démembrée par un plaisir venu du fond des âges, ne plus se contenir et s'oublier. Au diable les préjugés, les on-dits, les histoires viciées, ratées, le ridicule du petit matin, la honte qui eclôt à chaque échec.

 

Ce soir, Léa rencontre un nouvel amant. Elle se dandine, regarde un peu trop souvent sa montre. Cet homme l'intrigue.

Il l'a courtisé de la plus belle manière par écrans interposés, la flattant longuement, partageant surtout sa passion pour les mots et les mets raffinés.

Elle a joué avec lui, le laissant attendre, guettant son dépit, riant de ses déconvenues, souriant de ses hésitations.

Il n'est pas comme les autres. Phrase ô combien banale lue dans tous ces romans de gare, ses bluettes érotiques américaines où l'amour sonne à la porte au premier chapitre.

Il n'est pas comme les autres pourtant. Le mystère qui l'entoure la tient en éveil, la rend nerveuse. Elle s'interroge, cherche des explications, oublie même de grignoter.

Il lui a envoyé de nombreuses photos. Elle le trouve aimable, bien mis. Il lui évoque des saveurs incomparables, un voyage gastronomique. Elle rêve de goûter à sa peau, de parcourir la ligne de ses épaules du bout de sa langue, de lui mordre le cou, de remplir sa bouche, de se gaver de lui.

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Commentaires
F
C'est ce que l'on appelle mettre la pression....
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C
J'ai hâte de lire la suite, intéressante mise en bouche. Je me demande où vous allez nous mener, ayant moi même un amour immodéré des femmes et de la gastronomie (les bourrelets en moins).
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