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Faunes & Flore
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Faunes & Flore
18 janvier 2013

Esacapade allemande : Chapitre X- Partie 1

Haine pour ce faux frère
Qui porte mon nom
Si vivre est un métier
Alors je n'ai aucun don

Oui je passe des jours
Des jours assassins
Désolé amour
Sans toi je ne vaux plus rien

Pourquoi faut-il payer
En chagrin d'amour
Si le curieux boucher
Nous massacre tour à tour
Je veux revoir l'étoile bleue
Briller dans le ciel
Oh ! Pourquoi m'as tu fait Dieu
Ce môme éternel ?

Jean-Claude Murat-Le môme éternel

 

Noël passa, dans une débauche de guirlandes, de papiers froissés, de remerciements, de rires et de chocolats fondants. Les lumières électriques clignotaient dans le sapin familial, accompagnées par le feu de cheminée rituel.

 

Ma mère s’affairait en cuisine pour présenter un chapon irréprochable aux invités de la soirée, les enfants profitaient de leurs nouveaux jeux. Et moi je traînai mon malheur en robe de soirée, une flûte de champagne à la main, les yeux rivés sur les flammes, les joues rougies par la chaleur.

 

Antoine s’ennuyait-il aussi dans son château allemand ? Alexander l’accompagnait-il ? Buvait-il aussi du champagne à cet instant, entouré de superbes tentatrices ?

 

Pensait-il seulement à moi ? Allait-il séduire une nouvelle proie et en abuser lors de cette nuit sacrée ?

J’avais tellement eu confiance en lui que je me rendais compte qu’il ne me restait rien de lui. Je pouvais certes lui envoyer un message sur sa boîte mail mais mon orgueil me l’interdisait alors que je mourrais d’envie de le lire. J’espérais seulement qu’il aurait l’élégance de me faire signe après la déconvenue d’hier.

 

J’étais perdue dans mes pensées quand mon père fit irruption dans le salon, un paquet rouge à la main

-  Clara, c’est pour toi. Livraison spéciale » dit-il malicieux, me tendant l’enveloppe souple. Je la saisis soupesant le contenu.

 

Un silence s’était fait dans la pièce et tout le monde me regardait, aux aguets, curieux de connaître le contenu de ce cadeau inattendu et surtout le mystérieux expéditeur.

 

Je souriais, un peu gênée, cachant le précieux colis derrière mon dos, prétextant devoir aider ma mère. Je m’évadai promptement rejoignant la salle de bains et fermant vivement le verrou, je contemplai le paquet, le cœur cognant dans ma poitrine. Ne pouvant attendre davantage, je déchirai le papier écarlate et je découvrais un vieux livre relié. Je retournai l’ouvrage et je demeurai sidérée.

 

Grimm's_Kinder-_und_Hausmärchen,_Erster_Theil_(1812)

 

Il s’agissait de la première édition allemande de 1812 de »Die Kinder und Hausmärchen », les fameux contes de Grimm, l’édition originale très rarement mis aux enchères. Je tenais dans mes mains un véritable objet de collection qui aurait fait saliver bien des bibliophiles.

 

J’ouvrai l’ouvrage précautionneusement et trouvai sur la page de titre une carte de visite écrite à la main et frappée aux armes des Wolfenstein.

 

« Un présent venu de la bibliothèque familiale que plus personne ne regarde ! Il te sera plus utile qu’à nous. Joyeux Noël douce Clara.

N’oublie pas de m’envoyer tes documents…

Antoine M. »

 

Je fondais alors en larmes, hystérique, incapable de garder davantage mon sang froid, serrant avec frénésie le précieux ouvrage.

Ce cadeau hors de prix faisait bien partie de la stratégie d’assujettissement du nobliau.

 Accroître son emprise,  même absent, me contraindre à soupirer après lui, à le désirer après m’avoir congédié aussi lestement.

 

Je repris mes esprits, me recomposai un visage, essuyai mes yeux gonflés et ressurgit dans le salon. Je mentais en présentant le livre aux hôtes qui poussaient des petites exclamations de surprise. Je les convainquais que l’expéditeur de la merveille, mon professeur de lettres modernes avait un sérieux béguin pour moi mais je ne pus expliquer vraiment  pourquoi il m’avait envoyé un présent aussi coûteux.

 

Je fus la cible idéale de la soirée, des quolibets et dut subir les regards égrillards. Je me réfugiais auprès de ma mère et l’aidai au mieux pour le service de son repas. Je disparus temporairement de la scène pour me consoler avec la vaisselle gigantesque et ne réapparu qu’à l’heure des spiritueux, attendant que les convives se fatiguent et que l’heure du coucher arrive.

 

Une fois la maison remise en ordre, après avoir salué une derrière fois mes parents, je m’enfermai dans ma chambre d’enfant et allumai mon ordinateur. J’avais évité toute la journée de me confronter à mon écran et je devais impérativement remercier A. Mansfeld pour son beau cadeau. Poliment tout simplement.

 

Je trouvai un court message me demandant si le colis était arrivé à bon port. Je répondis aussitôt par un laconique mail affirmatif lui exprimant une  gratitude mesurée pour son livre si bien choisi et de si grande valeur.

 

Rien de bien personnel, un ton froid et réservé que je savais aussi prendre à l’occasion. J’envoyai mon courriel espérant bien susciter une déconvenue, une agacerie chez le tueur de chaperons innocents.

 

En espérant une réponse hypothétique, je cherchais dans mes banques d’images  des illustrations du chat botté. Je trouvais bien entendu les gravures de Doré que je lui envoyai en fichier attaché en salves régulières ; quelques bijoux de créateurs confectionnés sur ce thème, des déclinaisons de peintres contemporains, des graphs et des esquisses crayonnées à la hâte par des designers inspirés, des images tirées de films.

chatbotte4

 

J’enchaînai les envois, ravie de remplir la boîte d’Antoine, de saturer la mémoire de sa messagerie, cherchant délibérément à bloquer son système informatique.

 

Le résultat ne se fit pas attendre et je reçu bientôt un mail peu amène me sommant de cesser mon jeu puéril. La réponse fut cinglante et je signifiais ma vengeance, une simple riposte à son manque de savoir-vivre.

 

Le mail qui suivit aussitôt comportait une kyrielle de points d’interrogation.

 

« Cher Antoine,

 

Soit vous êtes amnésique soit vous avez une telle haute opinion de vous-même ! Je ne peux pas vous répéter toutes les billevesées que vous m’avez débitées hier matin.

Incompabilité d’humeur, désillusion, hypocrisie, risque majeur pour votre probité, peur de vous investir dans une relation durable, lâcheté ordinaire d’un homme lassé, blasé, voire gâté.

 

Même si j’ai aimé découvrir qu’être malmenée, prise comme une fille de ferme ne me déplaisait pas,  je ne pourrai cependant souffrir d’être en sus méprisée et considérée comme une proie de plus, un gibier à ajouter à votre tableau de chasse.

 

Vous êtes, Monsieur de Wolfenstein, ombrageux, jaloux de vos prérogatives et imbu de votre personne, riche d’une longue et tumultueuse histoire familiale. Sachez que je ne me laisserai plus traiter de la sorte et que j’ai, moi aussi, besoin d’un minimum d’égards et de considération.

Prenez-donc réellement vos distances et cessez de tourmenter avec vos présents, messages et autres gestes qui me troublent et me perturbent. Vous trouverez aisément dans votre vivier de jeunes prétendantes aristocratiques une nouvelle jouvencelle à torturer

 

Joyeux Noël Antoine Mansfeld

Clara »

 

Je pris une profonde inspiration et envoyai mon réquisitoire. Je me renversai en arrière sur mon lit, terrassée par la fatigue et la déception.

 

Le petit signal sonore de la réponse ne tarda pas à retentir, une dizaine de minutes plus tard.

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K
On reconnaît là la passionnée de livres et de culture que vous êtes ... La suite promet d'être aussi intense que les premières aventures ! ;-)
Répondre
Faunes & Flore
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