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Faunes & Flore
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Faunes & Flore
18 mars 2015

Horns & bones (troisième partie)

Des mains l'empoignent avant de la retourner sans ménagement.

Véronique respire avec difficulté, éblouie par le regard clair de celui qui cherche à la sonder, vampiriser son âme.

Un homme entre deux âges tatoué d'écailles métalliques la tient contre lui, silencieux et terriblement imposant.

 

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Il se dégage de lui une force incomparable, séculaire et grondante.

Véronique halète, prise de panique devant son envie, prisonnière d'un désir irrépressible, l'envie de s'agenouiller, d'embrasser ses pieds, d'être écartelée, souillée, violentée.

Envoûtée par cette vigueur inconnue, elle fléchit intimidée, se laisse couler contre son torse à peine recouvert d'un gilet élégant, se débat à peine, empoissée par sa concupiscence ardente.

Sa bouche est mordue, forcée par la langue de cet homme mutique, ses cheveux dépeignés.

Des images de libations originelles, d'offrandes charnelles, de torches fumantes déferlent dans son cerveau. Des animaux poursuivis, des cris de jouissances qui s'éternisent, le fracas de la pluie nourricière qui s'abat sur les forêts oubliées, la soie déchirée du tonnerre, des visages de femmes effrayées, des corps qui se convulsent.

Une imagerie païenne d'un autre temps qui virevolte, se plaque sur son ventre,envahit son espace mental, la possède sans rémission. Véronique gémit sous les caresses du céladon. Elle abdique, fait courir ses lèvres sur son cou.

Son pouls s'accèlère.Elle clot ses yeux, sent sa peau se couvrir d'une sueur parfumée. Elle s'abandonne à cet inconnu qui la conquiert, déversant en elle des siècles d'orgasmes sacrificiels, de plaintes et de souffrances quotidiennes, de gorges pantelantes et suppliantes.

Des immeubles aux beffrois alambiqués hérissent son horizon, des palais de rois chimériques aussitôt détruits par des encerclements odieux, des paysages en feu, des cités assiégées, des clochers emflammés, des victimes hurlantes, des fuyards plein d'espoir, des scènes de désolation. Un maëlstom de douleur vive, d'éviscérations et de renoncements extatiques confusément cousu à une fureur de vivre, l'instinct de survie.

Elle hoquète, prise de vertige. Les images se téléscopent, la remplissent, la submergent de leur violence brute, de leur érotisme sauvage.

Véronique soupire longuement, rue sous ses caresses insistantes et intrusives. Ses doigts la pénètrent. Elle s'ouvre, le laisse la brutaliser, réagit bruyamment.

L'homme la contemple et sourit. Il a tant vécu déjà. Tant de femmes se sont couchées sous lui... depuis la nuit des temps. Aucune n'a su lui résister. Elles ont toutes succombé les unes après les autres, le laissant s'abreuver  sans vergogne au coeur de leur lubricité. Ce besoin qui le nourrit, le rend plus fort, lui permet de survivre depuis que son culte s'est éteint. Il a su combattre en puisant ce suc vital malgré le temps qui amenuise sa force vitale et lui donne toujours l'illusion d'être le maître des bois et des prairies.

Il a connu tant de licence que plus rien ne l'émeut. Sauf cette femme qui combat sa décence et se donne à lui avec tant de candeur et de dignité douloureuse qu'il se sent de nouveau vivant.

Sa peau se hérisse sous la pulpe de ses doigts; une haie d'ajoncs qui ploie sous son souflle, une plaine de tumuli éphémères qui réagissent si sensuellement à son étreinte.

Cette femme est un vélin vierge de toute malice, une orante née. Elle est capable de le faire vivre des années durantes, son abnégation est si pure. Ses doigts remontent sur sa poitrine tandis qu'il s'enfonce en elle, se perdant toujours plus loin. Elle s'agrippe à ses mains cherchant sa bouche pour sceller un accord tacite.

Véronique est Sienne. Complètement et absolument. Jamais elle n'a connu pareille folie, pareille félicité. Prise et libérée, elle crie sans retenue, heberluée de se voir aussi frémissante.

Cernunnos la couvre, se démène, l'emmène dans une chevauchée orgiaque qui les tétanise, les pétrifient.

L'orage gronde au loin. La bacchanale est à son paroxysme. La terre attend elle aussi sa délivrance charnelle.

La pluie tombe sur les deux corps entremêlés. La foudre tombe. Un coup de tonnerre plus fort que les autres arrête la course du temps.

Un mugissement de jouissance couvre les bruits de la forêt.

Les faunes et les sylphides se sont évanouis, les torches sont éteintes. Les promeneurs du dimanche ont réinvesti les lieux en commentant la tempête d'hier soir qui a fait sauter les câbles et disjoncter les appareils. Discussions d'usage.

Madame Péju suit son chien dans une clairière. Les buissons sont chiffonnés, des branchages jonchent le sol, des restes de cire sur les pierres aussi.

Au pied du grand chêne un bas relief posé là comme un présent archéologique. Madame Péju rougit puis promène ses doigts sur ce si beau couple accouplé prisonnier du ciseau du scuplteur.

 

Tout comme au chêne et aux sangliers

Ô maître de la nature

Guide tes fils au coeur pur

Vers la clairière qui les attend

Sous les trois rayons d'or du soleil invaincu

Au coeur ultime de la forêt

Et accepte les offrandes de leurs mains !

 

 

 

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